Justine Villermet

Le changement m’a toujours effrayée. Étant petite déjà, je détestais la fin d’année scolaire car je devais faire mes adieux à mes enseignants, ma classe, mes repères. En grandissant, cette peur s’est petit à petit généralisée et s’est transformée en une peur du temps qui passe. J’ai toujours eu du mal à vivre dans le présent : quand je n’appréhende pas le futur je me replonge inlassablement dans mes archives, regardant mes photographies, relisant mes conver- sations ou mes journaux intimes.

Mon travail s’est donc d’abord porté sur la nécessité de revivre le passé par procuration, en essayant de trouver des mécanismes me permettant cela, comme par exemple des méthodes de classification des souvenirs. Afin d’avancer dans ma pratique j’ai décidé de mener une sorte d’enquête sur ma personne, m’auto-analysant au quotidien, dans le but d’élaborer un autoportrait, essentiellement mental, aussi fidèle que possible.

J’ai alors cherché des notions plus vastes afin de faciliter l’accès à mes travaux. Les notions de mélancolie, de deuil et de mémoire sont donc devenus des piliers pour mon travail. Sophie Calle, Christian Boltanski ou encore Sylvie Réno ont énormément nourri mes réflexions avec non seulement la forme que prend leur œuvre faite d’accumulations et de collections, mais également par les questions qu’elle soulève autour du deuil et de la disparition.

Je traite aussi de ces notions par l’intermédiaire du médium photographique ou vidéo, comme peut le faire Lina Scheynius par exemple. J’utilise la composition picturale comme une porte d’entrée dans mon travail : les œuvres de Sally Mann et Dave Heath notamment sont des références plastiques essentielles pour moi. Je travaille à la fois l’esthétique de l’image, en l’abordant d’un point de vue très technique, et la visée conceptuelle en lien avec mes recherches théoriques.

La vidéo me permet de travailler plus la narration, par le biais d’histoires retranscrites, mises en scène. Mon travail est également très nourri par le cinéma d’art et d’essai, en m’intéressant à des réalisateurs comme Valérie Donzelli ou Belà Tarr.

DNA 2020